La "script attitude"

Publié le 27 Octobre 2012

Qui souhaite écrire doit s'y préparer, comme l'artisan organise son espace de travail, comme l'acteur amorce son personnage, comme le commerçant arbore son sourire. Il faut :

  • revenir à soi, dans son espace intérieur
  • maîtriser ses pensées pour "attraper les idées"
  • savoir prendre du recul et changer de point de vue.

La vie elle-même nous apprend ses mouvements. On peut apprendre à las déclencher.

(SE METTRE en) CONDITION d'ÉCRITURE:

  1. L'attitude intérieure : on s'exprime en paroles ; on imprime ses mots. Celui qui compose s'inscrit dans une spirale de retour sur soi. La concentration est la condition sine qua non de toute composition (espaces fermé ou silencieux, ou au contraire, coin de table de café : peu importe. Chacun se retrouve en soi de la manière qui lui convient). La difficulté réside plutôt dans le fait que, soucieux du monde extérieur, on ne prend pas le temps de se connaître suffisamment. Mais c'est une autre histoire.

  2. La transcription des idées : le flou universel et mouvant des pensées qui trottent sans interruption doit être cadré, guidé, modelé, dans une intention précise. Écrire sa liste de courses ou rédiger un mémoire relèvent d'univers différents qu'il faut imaginer d'abord. Les pages blanches traduisent en fait l'absence de destination consciente. Ensuite, mais seulement ensuite, se pose la question technique de la correction orthographique, grammaticale, syntaxique ou stylistique, qui, constamment propulsée au premier plan, éclipse la vraie question de l'écriture. Pour preuve, les petits enfants (et ceux aussi qui apprenant une langue étrangère utilisent un nouvel alphabet tout neuf ) écrivent avant de savoir lire, comme aussi ils écoutent avant de savoir parler.

  3. Jeu de rôle "auteur-lecteur" : une fois les idées en place, c'est-à-dire, une fois que les mots ont piégé certaines pensées dans une forme prédeterminée, c'est le moment de se poser la question du code utilisé. Comment le lecteur, le destinataire, l'auditoire, le jury ou le spectateur va recevoir ce message ? Comment aller chercher en autrui une résonnance propre à faciliter la compréhension du texte écrit que l'on aura plus la chance d'expliquer, de développer et de modifier ? Comment prévoir les ambiguïtés, les obstacles, les pans d'ombres ? En devenant cet autre ! Il faut relire ! C'est alors qu'on endosse la personnalité et les préoccupations (imaginaires si inconnues) du récepteur potentiel. On se fait bête et obtus, on se décroche de soi-même et on adopte sur le texte un point de vue froid et clair, autrement dit : extérieur.

Le bruissement omniprésent des textes qui nous inondent quotidiennement donne l'illusion d'une spontanéité d'expression. Les mots écrits partout, depuis les lettres surdimensionnées des enseignes jusqu'aux modes d'emploi imprimés en miniatures sur les tubes dentifrice, imitent la spontanéité des paroles pour mieux s'inviter dans nos univers personnels. Les publicitaires comme les hommes politiques sont des prestidigitateurs : ils cisèlent de force toutes les pièces des expressions qui touchent juste, pour leur donner le lisse inoffensif et naturel des paroles courantes.

À votre tour de polir les mots.

Rédigé par Ecriture plurielle

Publié dans #Construire un écrit

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